Une société par actions, qu’elle soit incorporée sous le régime provincial ou fédéral, est une personne morale possédant une personnalité juridique distincte des personnes physiques qui la représentent.1 De ce fait, une personne morale s’exprime par l’intermédiaire de documents écrits, lesquels sont contenus dans un recueil qui se veut le seul élément tangible du concept abstrait qu’est une société par actions. Pour ce faire, la loi oblige donc cette dernière à tenir un livre de société, plus communément appelé «livre de minutes». Ce livre fait état d’éléments et d’informations fondamentales de la société, dont sa structure (statuts constitutifs, règlement intérieur, listes des administrateurs et des actionnaires, etc.) ainsi que son cheminement et son parcours au point de vue légal (conventions entre actionnaires, procès-verbaux, résolutions, transactions, etc.)2
Ce livre doit être conservé au siège de la société ou en tout autre lieu qui a été désigné par le conseil d’administration, pour autant qu’il demeure au Québec pour les sociétés incorporées sous la loi provinciale ou au Canada pour celles incorporées sous la loi fédérale.3 Il est à noter que des règles particulières s’appliqueront à une société par actions qui voudrait conserver son livre à l’extérieur du Québec et/ou du Canada.
La loi exige également qu’une société par actions prenne des mesures raisonnables pour empêcher la perte ou la destruction de son livre de minutes, qu’elle en assure son intégrité et qu’elle facilite la découverte et la rectification des erreurs qu’il pourrait contenir 4.
Une société par actions qui néglige de tenir son livre à jour s’expose donc à plusieurs risques, tel que plus amplement énoncés ci-après.
Conséquences
Tout d’abord, il est important de noter que dans toute action ou procédure légale pouvant être prise à l’encontre la société ou de l’un de ses représentants, le livre de la société, tel que déposé au dossier de la Cour, fera preuve de son contenu, et ce, en l’absence de preuve contraire. Conséquemment, toute information erronée qu’il contient pourrait entraîner des répercussions désastreuses, notamment auprès d’individus qui ne sont dorénavant plus administrateurs de la société.
À titre d’exemple concret, nous n’avons qu’à souligner l’affaire Dipede c. La Reine 5, où le tribunal a conclu que l’appelant était présumé être administrateur de la société, donc responsable des cotisations fiscales de la société ainsi que des pénalités et intérêts réclamés par l’Agence du revenu du Canada, et ce, malgré prétentions contraires de l’appelant à cet effet. Dans le même ordre d’idées, dans l’affaire Moll c. La Reine 6, le tribunal a notamment rejeté la preuve administrée par l’appelant puisqu’elle était basée sur des documents qui n’ont jamais été consignés au livre de la société en temps opportun. Dans l’arrêt Tehrani c. La Reine 7, lequel a été confirmé en appel aussi, le tribunal avait encore une fois retenu la responsabilité de l’appelant qui s’est vu incapable de faire la preuve qu’il n’était plus administrateur de la société au moment des faits reprochés. Dans les cas précédemment présentés, il apparaît clair qu’une bonne tenue de livre aurait été suffisante pour appuyer les prétentions de chacun et potentiellement renverser les décisions rendues.
Au niveau provincial, la Loi sur les sociétés par actions 8 est jumelée avec l’application de la Loi sur la publicité légale des entreprises 9. Or, bien qu’il est primordial pour une société de maintenir son livre de société à jour, cela va de pair avec la mise à jour des informations contenues au Registre des entreprises du Québec. À plus forte raison, les informations contenues au Registre des entreprises du Québec sont opposables aux tiers.10 Or, à l’inverse, une inscription erronée au dit registre indiquant le nom d’un individu à titre d’administrateur de la société, pourrait notamment rendre ce dernier responsable vis-à-vis des tiers en cas de poursuite contre la société, et ce, tel que présenté dans les cas ci-devant.
Nonobstant ce qui précède, la Loi sur la publicité légale des entreprises permet également au Registraire, suivant certaines modalités, de radier d’office l’immatriculation d’une société qui a fait défaut de compléter ses déclarations de mise à jour pendant deux années consécutives.11
Au niveau fédéral, bien que la Loi canadienne sur les sociétés par actions 12 permette au Directeur de dissoudre la société en défaut de respecter son obligation de mise à jour annuelle pendant deux années consécutives 13, elle s’avère également plus sévère que la loi provinciale quant au non-respect des obligations reliées à la tenue du livre de société. En effet, des amendes pouvant aller jusqu’à un montant de 5 000 $ peuvent être transmises à la société en défaut.14
Impacts
Par ailleurs, un livre de société ordonné et à jour permet de faciliter grandement le travail des différents professionnels avec lesquels la société par actions pourrait faire affaire, et ce, notamment dans le cadre de processus transactionnel d’achat-vente d’actions ou d’actifs, de financement, de réorganisation corporative ou simplement dans la rédaction et le suivi des résolutions des administrateurs et des actionnaires.
L’omission de tenir le livre de la société à jour peut mettre en péril sa capacité d’emprunt, sa sécurité juridique en plus d’entraîner des délais qui pourraient lui être préjudiciables. Dans ces éventualités, le livre de la société deviendra alors une source de désagrément pour tous les acteurs de l’entreprise. En effet, un livre incomplet ou comportant des erreurs devra être régularisé, par exemple en cas de décès d’actionnaires ou d’administrateurs. Puisque ces démarches demanderont alors davantage de recherches et pourront s’avérer ardues, elles engendreront des frais beaucoup plus onéreux que dans l’éventualité où le livre de la société avait été complet et à jour. Plus particulièrement, il faut mentionner que cette tâche de régularisation pourrait nécessiter des procédures devant les tribunaux, notamment en cas de désaccords avec les héritiers d’un défunt actionnaire ou d’ententes intervenues allant à l’encontre d’une convention d’actionnaires.
Enfin, sachez que Dunton Rainville vous propose non seulement de conserver votre livre dans une voûte et de gérer les mises à jour auprès des registres gouvernementaux, mais le cabinet vous propose également d’effectuer la vérification ainsi que la préparation des assemblées et réunions annuelles ou de toute autre décision corporative. Le privilège d’être client chez Dunton Rainville vous donne également accès à une multitude de services professionnels de valeurs ajoutées qui pourront servir autant vos intérêts personnels que ceux de votre société.
Votre entreprise est bien souvent l’investissement le plus précieux de votre vie et la mise à jour annuelle du livre de la société s’avère une opération trop souvent bâclée qui contribue à assurer la pérennité d’une société et qui se veut rentable sur le long terme.
1 Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art.298.
2 Infra note 8, art.31 et infra note 12, art.20 (1).
3 Infra note 8, art.34 et infra note 12, art.20(4).
4 Infra note 8, art.37 et infra note 12, art.22(2).
5 Dipede c. La Reine, 2004 CCI 100 (CanLII).
6 Moll c. La Reine, 2008 CCI 234 (CanLII).
7 Tehrani c. La Reine, 2006 CCI 131 (CanLII).
8 Loi sur les sociétés par actions, RLRQ c S-31.1.
9 Loi sur la publicité légale des entreprises, RLRQ c P-44.1.
10 Ibid, art.98.
11 Ibid, art. 59.
12 Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C-44
13 Ibid, art.213.
14 Ibid, art.20(6).