
Article par :
Mathieu Morin
Être actionnaire minoritaire dans une société comporte plusieurs défis importants. En raison de sa position, l’actionnaire minoritaire détient peu ou pas de contrôle sur les décisions stratégiques et opérationnelles de l’entreprise, lesquelles sont souvent prises par les actionnaires majoritaires. Cette situation peut engendrer un déséquilibre de pouvoir, notamment en ce qui concerne la distribution des dividendes, l’accès à l’information financière ou encore les décisions de gestion qui peuvent ne pas servir les intérêts de tous les actionnaires de manière équitable. Ce manque d’influence expose ainsi l’actionnaire minoritaire à des risques d’abus et rend la protection de ses droits particulièrement cruciale.
Ce déséquilibre de pouvoir auquel fait face l’actionnaire minoritaire est reconnu par le législateur québécois, notamment à travers certaines dispositions de la Loi sur les sociétés par actions (LSAQ). À cet égard, l’article 450 LSAQ joue un rôle essentiel en offrant un recours en cas d’abus de pouvoir ou d’iniquité. Cette disposition permet à un actionnaire, un administrateur ou un dirigeant de demander au tribunal d’intervenir lorsqu’une conduite injuste ou abusive est exercée à son endroit et lui cause préjudice. Ce mécanisme vise notamment à protéger les actionnaires minoritaires contre les abus de pouvoir des actionnaires majoritaires, des administrateurs ou des dirigeants, en offrant une voie judiciaire pour faire cesser ou redresser la situation.
Chaque situation doit faire l’objet d’une analyse avait de déterminer les attentes raisonnables de l’actionnaire lésé. Voici toutefois quelques exemples où il pourrait y avoir application de ce recours :
- L’exclusion injustifiée de l’actionnaire de la gestion de la société;
- Le versement inéquitable de dividende ou de rémunération;
- La dilution abusive des actions de l’actionnaire;
- Le refus de transmettre les informations financières de la société à la société
- L’utilisation des ressources de la société à des fins personnelles;
La force de ce recours réside aussi dans sa souplesse, qui permet au tribunal d’adapter les réparations à la nature de la situation. Le tribunal peut ainsi ordonner une variété de mesures, allant de l’annulation d’une décision du conseil d’administration à l’achat forcé des actions de l’actionnaire minoritaire, voire à la dissolution de la société dans les cas extrêmes. Le recours permet également l’indemnisation des personnes qui ont subi un préjudice et, dans certains cas le paiement des honoraires et autres frais de la partie lésée. Cette flexibilité permet donc une réponse nuancée et équilibrée, adaptée aux circonstances particulières de chaque litige entre actionnaires.
Bien que le recours en cas d’abus prévu par la LSAQ soit un outil juridique puissant, il demeure un recours de dernier ressort, souvent coûteux et incertain. C’est pourquoi il est essentiel que les actionnaires minoritaires préviennent les conflits dès l’entrée au capital-actions. Une convention entre actionnaires bien structurée, signée au moment de la souscription, permet de préciser les droits de chacun, de baliser les décisions importantes et d’établir des mécanismes de sortie clairs (shotgun, rachat, droit de premier refus, etc.). Elle peut aussi prévoir des clauses de nomination au conseil d’administration ou des droits de veto pour protéger certains intérêts. En l’absence d’une telle convention, le minoritaire est souvent à la merci des décisions de la majorité. C’est pourquoi il est toujours préférable de favoriser la prévention en instaurant dès le départ une convention entre actionnaires claire, transparente et équilibrée. Une bonne gouvernance, un accès équitable à l’information et une communication constante peuvent également grandement réduire les risques de conflit. En conclusion, si le recours en oppression est un filet de sécurité indispensable, la prévention demeure la meilleure protection.