
Article par :
Guillaume Bourbeau
Le 27 novembre 2024, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt Québec (Procureur général) c. Pekuakamiulnuatsh Takuhikan1 (ci-après « Takuhikan ») par lequel elle rejeta le pourvoi formulé par le Procureur général du Québec et confirma la décision rendue par la Cour d’appel du Québec2.
Bien que la notion qui guide le dispositif de cet arrêt soit le principe de l’« honneur de la Couronne », il convient de souligner qu’une de ses clés de voûte tient également dans l’obligation d’agir avec bonne foi dans le cadre d’une relation contractuelle.
Cette obligation a été succinctement abordée par la Cour suprême dans le récent arrêt Ponce c. Société d’investissements Rhéaume ltée 3et, par l’arrêt Takuhikan, la Cour suprême surenchérit maintenant de manière éloquente au sujet de son étendue et de son application.
Les passages suivants sont particulièrement éclairants à cet égard:
« [101] […] Certes, exécuter un contrat de manière malhonnête ou adopter une conduite illégale en toute connaissance de cause sont des exemples de comportements qui sont étrangers à la bonne foi. Cela dit, la bonne foi entraîne aussi des interdictions qui se prêtent à une analyse objective, dont l’interdiction d’alourdir indûment le fardeau de son cocontractant, d’adopter une conduite excessive ou déraisonnable ou de compromettre l’existence ou l’équilibre de la relation contractuelle.
[…] [111] […] En ce sens, on doit voir la bonne foi dans l’exécution du contrat comme une norme qui ne s’oppose pas à la force obligatoire du contrat; elle est plutôt son alliée. […] »Par ces affirmations, la Cour suprême rappelle l’importance centrale et déterminante que revêt la bonne foi dans le contexte de toute relation contractuelle dans le respect des articles 6, 7 et 1375 du Code civil du Québec (ci-après le « C.c.Q. »)4.
Par ailleurs, la Cour suprême soulève que si une contravention alléguée à l’obligation d’agir de bonne foi peut s’apprécier de manière subjective, par exemple lorsqu’une partie cocontractante fautive avait une intention malhonnête, elle peut également l’être de manière purement objective.
En effet, lorsqu’un geste posé par une partie cocontractante affecte négativement la relation contractuelle au détriment de l’autre partie, il peut s’agir d’un manquement à la bonne foi, et ce, même en l’absence d’intention malveillante ou malhonnête de la part de la partie fautive.
Ainsi, afin de déterminer si une partie a enfreint les exigences de la bonne foi, les conséquences du geste fautif revêtent une importance capitale indépendamment de l’état d’esprit de la partie fautive.
Cela dit, la Cour suprême souligne que « [b]ien que la bonne foi exige davantage que l’absence de mauvaise foi, elle n’impose pas aux parties l’obligation de subordonner leurs intérêts à ceux des autres parties ».
À titre d’exemple, le respect de la bonne foi ne doit pas avoir pour effet de provoquer la réécriture du contrat5 ni de forcer une partie à renoncer à ses droits6.
Par contre, certaines obligations d’ordre public découlant de la Loi exigent une grande diligence et une conduite exemplaire des parties à un contrat.
À ce sujet, dans une décision récente rendue dans la foulée de l’arrêt Takuhikan, la Cour supérieure a souligné que, dans le cadre de l’exécution d’un contrat d’entreprise ou de services, « l’obligation propre [à l’entrepreneur ou] au prestataire de services d’agir dans l’intérêt du client avec prudence et diligence [et au mieux des intérêts de leur client] (2100 C.c.Q.) est le corollaire de l’obligation d’agir de bonne foi en matière contractuelle prévue aux articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. »7. Il en est de même pour l’obligation d’information prévue à l’article 2102 C.c.Q..
Évidemment, un manquement au principe de bonne foi ou aux obligations contractuelles qui en découlent donne ouverture à un recours en dommages-intérêts afin de compenser les conséquences de cette faute pour la partie cocontractante lésée.
Pour conclure, une personne bien avisée doit soupeser les conséquences de ses choix en considérant leurs impacts potentiels pour leur cocontractant, et ce, tant dans la préparation, la conclusion et l’exécution d’un contrat.