
Article par :
Maxime Vallée-Girard
Par Me Maxime Vallée-Girard, avec la collaboration de Léa D’Astous
Lorsqu’une entreprise accepte de fournir des services à une municipalité, il demeure obligatoire pour le conseil municipal d’adopter une résolution confirmant le mandat du cocontractant. Cependant, même en l’absence d’une résolution, la municipalité peut être tenue de payer pour les services qu’elle a reçus.
La municipalité ne s’exprime que par son conseil
Il est bien établi qu’une municipalité prend ses décisions et exprime sa volonté par le biais de son organe décisionnel, soit le conseil municipal.1
Par ailleurs, bien que la Loi sur les cités et villes et le Code municipal du Québec instituent un vaste régime, certaines règles de droit civil québécois sont tout de même applicables dans certaines circonstances.
C’est notamment le cas du régime de la réception de l’indu menant à la restitution des prestations, prévu aux articles 1491 et 1492 du Code civil du Québec2 (ci-après le « C.c.Q. »).
La réception de l’indu et la restitution des prestations en droit municipal
La réception de l’indu menant à la restitution des prestations est un concept dont l’application en droit municipal a été reconnue il y a quelques années.
En vertu de l’article 1491 al.1 C.c.Q., afin que le régime de la réception de l’indu s’enclenche, les conditions suivantes doivent être remplies3 :
- Il doit y avoir un paiement, ce qui comprend notamment le versement d’une somme d’argent et la prestation de services4;
- Le paiement doit avoir été effectué en l’absence de dette entre les parties, soit une obligation d’accomplir une prestation5 et;
- Le paiement doit avoir été fait par erreur ou pour éviter un préjudice, et non par une intention libérale.
En 2019, dans l’arrêt Montréal (Ville) c. Octane, la Cour suprême du Canada a officialisé l’application de ce principe civiliste aux municipalités québécoises.6
Dans cette affaire, la Ville de Montréal (ci-après la « Ville ») avait bénéficié des services de l’entreprise Octane Stratégie inc. (ci-après « Octane ») pour la création d’un concept d’événement. Cependant, elle n’avait pas officiellement octroyé un contrat à Octane, vu l’absence d’une résolution de son conseil allant en ce sens.
Le mandat n’ayant jamais été autorisé conformément à la loi, la Ville refusait de payer Octane.7
La Cour a alors procédé à l’analyse des trois conditions permettant l’application du régime de la réception de l’indu et en est venue à la conclusion qu’elles étaient toutes respectées. En effet, il y avait un paiement dont la Ville a profité, soit l’organisation de l’événement par Octane8, il n’y avait pas de dette entre les parties, car aucune obligation n’a été contractée,9 et Octane avait fait le paiement par erreur, car elle n’avait pas l’intention de fournir ses services à la Ville gratuitement.10
Bref, la Cour a estimé que, bien qu’Octane ait fourni des services à la Ville sans qu’un contrat ait été conclu, cette dernière en a profité alors que ces services ne lui étaient pas dus. Conséquemment, la prestation d’Octane devait lui être restituée11.
Or, la restitution des prestations consiste en la remise des biens, ou de leur équivalent en argent, qui ont été reçus par erreur.12 Dans cette décision, la restitution des prestations imposait le paiement, par la Ville, du montant équivalent à la valeur du service rendu par erreur, soit l’organisation d’un événement.13
Vigilance lors de l’octroi de contrats
Bien qu’une municipalité soit dans l’obligation d’adopter une résolution du conseil afin de conclure un contrat avec une entreprise, elle ne peut pas invoquer un manquement à cette exigence pour ne pas payer les services rendus.
En effet, le principe de la restitution des prestations, trouvant sa source dans celui de la réception de l’indu, s’appliquera dans de telles circonstances. Il est donc essentiel pour les municipalités d’être vigilantes lors de l’octroi de contrats à des entreprises.
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