Dans le cadre d’un bail commercial, il arrive fréquemment que les obligations du locataire et celles du propriétaire quant aux réparations et à l’entretien de la structure du bâtiment, incluant la toiture, ne soient pas clairement définies.
Dans ces circonstances, qui du locataire ou du propriétaire est responsable des frais relatifs à la réparation et à l’entretien de cette structure?
Tout d’abord, les règles de droit générales sont à l’effet que le propriétaire est tenu d’entretenir le bien loué afin d’en procurer la jouissance paisible au locataire<1> et que de manière générale, les réparations mineures d’entretien sont de la responsabilité du locataire alors que les autres réparations sont, quant à elles, aux frais du propriétaire <2> .
On comprend donc de ces règles générales que c’est au propriétaire qu’est dévolue l’obligation d’entretenir et de réparer la structure du bâtiment loué.
Toutefois, il est à noter que les parties au contrat de location peuvent convenir autrement que ce qui est prévu aux règles de droit générales précitées. Il est donc très fréquent qu’un bail commercial vienne définir les obligations et droits des parties quant à l’entretien et la réparation des lieux loués.
Afin de protéger autant les droits du propriétaire que du locataire, et dans le but d’éviter tout problème d’interprétation qui pourrait engendrer des conséquences financières importantes, la jurisprudence nous enseigne qu’il est nécessaire d’établir clairement et spécifiquement qui, du locataire ou du propriétaire, est tenu aux réparations et à l’entretien de la structure de l’immeuble faisant l’objet du bail.
En effet, une convention de location qui ne spécifie pas adéquatement à qui reviennent ces charges en particulier est susceptible de permettre au locataire de prétendre que ces travaux sont de la responsabilité du propriétaire conformément aux règles de droit générales en cette matière.
Il est à noter que certains juges qui ont eu à trancher cette question ont considéré que, dans le cas où les parties n’ont pas stipulé clairement à qui revient la responsabilité des travaux reliés à la structure et plus spécifiquement au toit du bâtiment, c’est au propriétaire que revient le fardeau de démontrer que la dépense de nature exceptionnelle était à la charge du locataire <3>.
Il faut toutefois savoir que dans l’interprétation d’un contrat, les règles d’interprétation prévues au Code civil du Québec aux articles 1425 et suivants, nous enseignent que l’on doit rechercher l’intention des parties au moment de la signature du contrat et tenir compte, entre autres, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçu et des usages relatifs à ce contrat.
L’affaire 9064-3065 Québec inc. c. Karka Realties inc. dans laquelle un jugement a été rendu en 2009 par la Cour supérieure est un bon exemple de ces règles en matière d’interprétation du contrat. Des réparations à la structure du bâtiment loué ont été considérées à la charge du locataire, malgré que ces réparations n’aient pas été spécifiquement prévues au contrat puisque le locataire était, au moment de la signature du bail, au courant de l’état des lieux loués et s’en déclarait satisfait, qu’il avait accepté de ne demander aucune réparation de la part du propriétaire et qu’il s’était engagé à faire toutes les réparations mineures et majeures relatives aux lieux loués.
Enfin, la jurisprudence en matière de responsabilité quant aux travaux de réparation et d’entretien d’immeubles commerciaux nous enseigne que les dépenses à charge du locataire ou du propriétaire peuvent varier d’un bail à l’autre et qu’à moins d’indications claires à l’effet contraire, un propriétaire qui loue un immeuble dans l’état où il se trouve sans s’engager à payer les frais d’entretien et d’exploitation relatifs aux lieux loués, ne peut pas exiger de son locataire qu’il lui remette un immeuble neuf à la fin du bail ou qu’il soit responsable du paiement d’une réparation visant à améliorer l’immeuble par rapport à l’état de ce dernier au moment de la signature du bail <4>.
Ainsi, afin d’éviter toute ambiguïté quant à la responsabilité du locataire et du propriétaire en ce qui a trait aux réparations et entretiens de la structure du bâtiment loué pouvant entrainer des impacts financiers majeurs et néfastes, il est nécessaire d’établir avec clarté qui, du propriétaire ou du locataire, est tenu à cette obligation.
<1> Code civil du Québec, article 1854
<2> C.c.Q., article 1864
<3> Skyline Holdings inc. c. Scarves and Allied arts inc. QCCA, 2000; Toys « R » Us Canada Ltd c. Carrefour Richelieu Realties Ltd rendu par la cour supérieure en 2007.
<4> Skyline Holdings inc. c. Scarves and Allied arts inc. QCCA, 2000; 9064-3065 Québec inc. c. Karka Realties inc. QCCS 2009 et Louha c. Investissements Eres Ltée QCCA 2016.