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Droit municipal, public, scolaire et de la santé

Droit de la santé

Garde en établissement- Les critères de dangerosité

Par : Filion, Suzanne

21 septembre 2023

Une décision étoffée de 17 pages, prononcée le 17 janvier 2013 par l’Honorable Chantal Sirois J.C.Q. 1, vient clarifier le processus que doit suivre le tribunal pour conclure au bien-fondé ou non d’une requête pour ordonnance de garde en établissement. La juge Sirois rappelle qu’il est reconnu par la jurisprudence que même si le tribunal conclut à l’existence d’une maladie mentale, le fait d’être porteur d’un tel diagnostic ne crée jamais une présomption de dangerosité2.

C’est le Centre hospitalier, partie requérante, qui doit présenter une preuve prépondérante de dangerosité. Suivant le principe élaboré par la Cour d’appel3, le juge exercera son pouvoir discrétionnaire, en fonction des paramètres de l’article 30 du Code civil du Québec (C.c.Q.). Suivant cet article, les deux rapports d’examen psychiatrique au soutien d’une telle requête doivent conclure à la nécessité de cette garde. Au surplus, le tribunal ne peut autoriser la garde que s’il a lui-même des motifs sérieux de croire que la personne est dangereuse et que sa garde est nécessaire, quelle que soit par ailleurs la preuve qui pourrait lui être présentée et même en l’absence de toute contre-expertise.

La juge Sirois indique que le diagnostic est une question médicale, alors que la notion de dangerosité dont il est question à l’article 30 C.c.Q. est » un concept entendu juridiquement et non médicalement «.

Donc, les médecins psychiatres qui évaluent le patient doivent préciser et motiver dans leurs rapports en quoi l’altération du jugement et l’altération du contact avec la réalité rendent le patient dangereux. Dans le cas sous étude, le tribunal a retenu que bien qu’un patient porteur d’un diagnostic de psychose ne soit pas nécessairement dangereux, lorsqu’il agit sur la foi de ses idées délirantes, il devient alors nécessairement dangereux. En effet, à partir de ce moment, on ne sait pas quelle idée délirante il va avoir et ce qu’il va conséquemment faire4. Par ailleurs, la juge Sirois précise qu’il ne faut pas attendre que le danger se concrétise avant de pouvoir intervenir en ordonnant une garde en établissement. Elle ajoute que la violence appréhendée n’est pas nécessaire pour conclure à la dangerosité. Le patient peut simplement poser des gestes incompréhensibles et incohérents qui menacent son intégrité ou celle d’autrui..

1 Centre de santé et de services sociaux Champlain – Charles Le Moyne c. E. (F.) 2013 QCCQ 307;
2 Centre de santé et de services sociaux Pierre-Boucher c. A.G., J.E. 2010-75, 2009 QCCA 2395;
3 S. L. c. Centre hospitalier universitaire du Québec, 2010 QCCA 959..
4 Supra, note 1.