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Droit civil, assurances, construction et familial

La demande d’autorisation d’exercer une action collective : pas qu’une simple étape de routine

Par : Fournier, Alexandre

21 septembre 2023

L’action collective (autrefois connue sous le vocable « recours collectif ») est un véhicule procédural bien connu, tant chaque semaine semble maintenant apporter son lot de nouvelles actions. Ce qui est moins connu, par contre, est la procédure particulière régissant ces dernières.

Le Code de procédure civile est clair à l’effet que l’action collective « permet à une personne d’agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres d’un groupe dont elle fait partie et de le représenter » (art. 571, al. 1). Comme le rappelait la Cour suprême du Canada dans son plus récent arrêt en la matière, l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal c. J.J., 2019 CSC 35 (CanLII), ses objectifs sont notamment de de faciliter l’accès à la justice, de modifier des comportements préjudiciables et d’économiser les ressources judiciaires (par. 6).

Compte tenu de la portée de l’action collective, le législateur a prévu qu’une action collective ne peut être exercée qu’avec l’autorisation préalable du tribunal (art. 574, al. 1 C.p.c.) et que l’autorisation ne sera accordée que si le tribunal est d’avis que :

  1. les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;
  2. les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
  3. la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance; et
  4. le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres. (art. 575 C.p.c.)

La jurisprudence est claire à l’effet que le tribunal n’exerce, au stade de l’autorisation, qu’un rôle de filtrage en s’assurant simplement que le demandeur satisfait aux conditions énoncées et qu’il y a lieu de favoriser une interprétation et une application large et libérale des critères d’autorisation afin faciliter l’exercice des actions collectives (l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, par. 7 et 8). Le stade de l’autorisation peut donc ne paraître être qu’une simple étape qui sera franchie par toute demande, aussi frivole soit-elle, dès qu’elle rencontre minimalement les conditions de l’article 575 C.p.c.

Or, dans la récente affaire Charles Daigle c. Club de golf de Rosemère & als, 2019 QCCS 5801 (CanLII), la Cour supérieure a rappelé qu’une demande manifestement mal fondée pouvait (et devait) être rejetée dès le stade de l’autorisation.

Dans cette affaire, le demandeur sollicitait l’autorisation du tribunal afin d’exercer une action collective contre le Club de golf de Rosemère (le « Club ») et ses administrateurs parce qu’ils avaient, prétendait-il, contrevenu à l’une des dispositions de la Loi concernant le Club de Golf de Rosemère, loi privée régissant le Club (la « Loi privée »), ainsi qu’à leurs obligations d’agir avec prudence, diligence et de bonne foi.

En effet, selon le demandeur, le fait pour le Club d’avoir vendu le terrain de golf et tous les équipements nécessaires aux opérations et d’avoir utilisé les fonds ainsi obtenus pour acquérir un autre terrain contrevenait au paragraphe 10 e) de la Loi privée requérant, « en cas de dissolution de la corporation ou de vente de tout ou partie de ses biens immobiliers, [que] toute somme disponible pour distribution aux actionnaires [soit] répartie pari passu entre les détenteurs d’actions de classe « A » et de classe « B » ».

Malgré le cadre d’analyse large et libéral prôné par la Cour suprême, la Cour était d’avis, comme le lui ont soumis les défendeurs, qu’elle devait interpréter le droit, même au stade de l’autorisation, lorsqu’il s’agit d’une pure question d’interprétation (par. 24, citant l’arrêt Trudel c. Banque Toronto-Dominion, 2007 QCCA 413).

Ayant procédé à une interprétation des dispositions de la Loi privée conforme aux exigences de la Loi d’interprétation, la Cour s’est dite convaincue que le syllogisme sous-tendant la demande n’était appuyé d’aucune explication convaincante et donc que rien dans la Loi privée ne permettait de conclure que le Club devait, en toutes circonstances, distribuer le produit de la vente (par. 32 et 33).

Le demandeur ayant échoué à rencontrer le deuxième critère de l’article 575 C.p.c., sa demande d’autorisation a été rejetée.

Cette décision démontre bien selon nous que le stade de l’autorisation d’une action collective conserve toute sa pertinence et qu’il est important pour toutes les parties de l’aborder avec sérieux.