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Québec municipal

La responsabilité de la municipalité suivant la délivrance d’un permis illégal

Par : Merleau-Bourassa, Julien

21 septembre 2023

En fonction des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, un fonctionnaire municipal doit s’assurer de délivrer un permis dans le respect des normes prévues et de la règlementation applicable.

La jurisprudence s’entend sur le fait que la municipalité est tenue de réparer le préjudice résultant de la faute du fonctionnaire en question. Ce devoir qui s’impose à la municipalité « existe indépendamment de la conduite du propriétaire concerné qui peut, toutefois, être tenu responsable d’une partie de sa perte lorsqu’il a fait fi de la réglementation applicable. » 1 Ce principe est d’ailleurs reconnu dans l’arrêt Ingles c. Tutkaluk Construction Ltd.2 et repris dans Désautels c. Municipalité de la paroisse de Ste-Anne-de-Sabrevoi3. De fait, le demandeur s’adresse à la municipalité pour l’émission d’un permis sachant pertinemment que son terrain contrevient à la superficie minimale prescrite par le Règlement de contrôle intérimaire de la MRC du Haut-Richelieu. Faisant défaut de procéder aux vérifications nécessaires, la municipalité lui délivre le permis en question.

La Cour énonce les conclusions suivantes4 :

[38] Toutefois, comme l’énonce la Cour suprême dans un arrêt récent, malgré la négligence de Desautels, il n’y a pas lieu d’exclure ce dernier du champ d’application de l’obligation de diligence de la Municipalité. La conduite de Desautels n’est pas telle qu’il est le seul à l’origine de sa perte. Le comportement négligent de Dufresne a aussi contribué aux dommages subis par Desautels. L’obligation de la Municipalité de délivrer des permis conformes à une réglementation existe indépendamment de la conduite de Desautels. Pour exonérer la Municipalité, il aurait fallu que la conduite de Desautels empêche l’inspecteur de s’acquitter de son obligation de délivrer des permis conformes à la réglementation. Tel n’est pas le cas en la présente instance.

De ces propos, force est de constater que la délivrance illégale d’un permis constitue une faute qui engage la responsabilité de la Municipalité. Le tribunal n’exclut pas la possibilité de la Municipalité de s’exonérer de sa responsabilité. Il retient que l’exonération de cette dernière est envisageable dans la mesure où le comportement du demandeur porte entrave aux obligations du fonctionnaire, dans le cas présent, celle d’émettre un permis conforme. Non seulement elle doit démontrer l’insouciance du demandeur face aux impositions de la loi, mais aussi que cette insouciance a forcé le fonctionnaire à agir en contravention des obligations qui lui incombent à la suite de la délivrance d’un permis.

Le tribunal peut toutefois conclure à un partage de responsabilité considérant la faute contributive du requérant. C’est également ce qui ressort de la décision Desautels. Pendant plusieurs années, le demandeur siège comme membre au comité d’urbanisme de la Municipalité. Aux yeux du tribunal, il ne fait aucun doute que le demandeur était familier avec les exigences du règlement. Il choisit par ailleurs de faire fi de celles-ci et profite de l’imprudence du fonctionnaire pour acheter le terrain et y construire une maison.

Pour ces motifs, la Cour se prononce ainsi :

[39] Il y a lieu de procéder à un partage de responsabilité puisqu’il y a faute contributive de Desautels et de la Municipalité. Dans les circonstances, le Tribunal estime que le demandeur doit supporter 50 % de sa perte.

Une situation semblable s’est reproduite dans la décision Provost c. Municipalité de Pierreville5. Effectivement, l’omission du demandeur de fournir les documents requis par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles6 n’empêche pas la Municipalité de délivrer un permis au bénéfice de ce dernier. La Cour soulève que le demandeur savait ou aurait dû savoir que son terrain était assujetti à ladite loi et de ce fait, que certains documents devaient être transmis pour assurer la conformité de sa requête. Bien que la négligence du demandeur fut reconnue, le Tribunal a retenu la responsabilité de la municipalité menant à un partage des dommages7.

À la lumière de ce qui précède, il en ressort qu’une municipalité ne peut fonder sa défense exclusivement sur la non-conformité de la demande d’un citoyen pour limiter sa responsabilité eu égard à la délivrance illicite d’un permis. Il incombe à la Municipalité de faire preuve de rigueur et de diligence dans l’exercice de ses fonctions. Avant de délivrer le permis, elle doit s’assurer de répondre aux exigences prévues par la loi et procéder à un examen complet de la règlementation applicable.


1 Jean HÉTU, Yvon DUPLESSIS et Lise VÉZINA, Droit municipal : principes généraux et contentieux, par. 11.35, 11.48. En ligne : Mises à jour récentes – Droit municipal – Principes généraux et contentieux – CCH AnswerConnect | Wolters Kluwer.
2 2000 CSC 12.
3 2001 QCCS 119.
4 Id., par. 38-39.
5 2017 QCCQ 8242.
6 RLRQ, c. P -41.1.
7 Id., préc. note 5, par. 48-49, 62-64.