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Québec municipal

La révision du rôle d’évaluation foncière selon la Loi sur la fiscalité municipale

Par : Bourbeau, Guillaume

21 septembre 2023

Les revenus d’une municipalité prennent pour la majorité leur source dans la taxation des citoyens occupant son territoire.

Le montant de taxe payable sera composé de deux variables : le taux de la taxe foncière et l’évaluation foncière.

Le taux de la taxe foncière

En vertu de la Loi sur la fiscalité municipale (ci-après « LFM »), une municipalité peut fixer, pour chaque exercice financier (du 1er janvier au 31 décembre de chaque année (479 LCV)), les taux de taxation foncière. Par son règlement sur les taxes foncières (244.1 et ss. LFM), la municipalité indiquera les différents taux de taxe applicables en fonction de chaque catégorie d’immeuble (« Résiduel (taux de base) », « Immeuble de six (6) logements et plus », « Immeuble non résidentiel », « Immeuble industriel », « Terrains vagues desservis » ou « Agricole »).

Ce taux agira à titre de facteur de multiplication vis-à-vis de l’évaluation foncière d’un immeuble donné afin d’établir le montant de taxe foncière qui devra être payé par son propriétaire à la municipalité. Par exemple : « Résiduel (taux de base) : 0,450$/100$ d’évaluation foncière »

L’évaluation foncière

Tous les trois ans (14 LFM), l’évaluateur municipal agissant à titre de fonctionnaire indépendant pour la municipalité est chargé par cette dernière de dresser le rôle d’évaluation foncière.

Tous les immeubles doivent être inscrits au rôle d’évaluation foncière à moins d’indication contraire dans la LFM. Les immeubles sont inscrits au rôle par « unité d’évaluation » (33 LFM) c’est-à-dire « le plus grand ensemble possible d’immeubles qui remplit les conditions suivantes:

  1. le terrain ou le groupe de terrains appartient à un même propriétaire ou à un même groupe de propriétaires par indivis;
  2. les terrains sont contigus ou le seraient s’ils n’étaient pas séparés par un cours d’eau, une voie de communication ou un réseau d’utilité publique;
  3. si les immeubles sont utilisés, ils le sont à une même fin prédominante; et
  4. les immeubles ne peuvent normalement et à court terme être cédés que globalement et non par parties, compte tenu de l’utilisation la plus probable qui peut en être faite. » (34 LFM)

L’évaluateur devra trouver la « valeur réelle » de chaque unité d’évaluation (42 LFM). Cette valeur, bien qu’elle ne corresponde que très rarement à la valeur marchande, est définie par la LFM comme étant la « valeur d’échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable qui peut être payé lors d’une vente de gré à gré » à condition que le « vendeur et l’acheteur désirent respectivement vendre et acheter l’unité d’évaluation, mais n’y sont pas obligés » et « sont raisonnablement informés de l’état de l’unité d’évaluation, de l’utilisation qui peut le plus probablement en être faite et des conditions du marché immobilier » (43 LFM). Il s’agit d’une valeur essentiellement objective.

Le rôle d’évaluation est par la suite déposé au bureau du greffier de la municipalité locale entre le 15 août et le 15 septembre de l’année qui précède l’entrée en vigueur du rôle triennal (70 à 72 LFM). Le greffier publie alors dans les quinze jours du dépôt un avis visant à informer que les citoyens peuvent en prendre connaissance ainsi que le délai dans lequel une demande de révision peut être déposée (73 et 74 LFM).

Révision de l’évaluation foncière

En vertu de l’article 124 LFM, une personne ayant un intérêt à contester l’exactitude, la présence ou l’absence d’une inscription au rôle peut déposer une demande de révision auprès de l’organisme municipal responsable.

Cette demande doit être déposée avant le 1er mai suivant l’entrée en vigueur du rôle (130 LFM) et énoncer succinctement les motifs de révision (128 LFM).

Cette demande de révision administrative sera traitée par l’évaluateur municipal ayant procédé à l’évaluation de l’immeuble. Celui-ci devra juger du bien-fondé de la contestation et fournir une réponse au plus tard le 1er septembre suivant la demande de révision (138.3 LFM).

L’évaluateur peut alors proposer une modification ou encore informer la personne à l’origine de la demande de révision qu’il n’a aucune modification à proposer en indiquant par écrit les motifs de sa décision.

Dans le cas où l’évaluateur propose une modification, l’évaluateur et le demandeur peuvent convenir d’une entente qui doit être conclue au plus tard le 30e jour qui suit l’envoi par l’évaluateur de sa proposition écrite.

Recours devant le Tribunal administratif du Québec

Si le demandeur ne conclut pas d’entente avec l’évaluateur, si l’évaluateur refuse tout simplement la demande de révision ou s’il omet de répondre avant l’expiration du délai prévu à l’article 138.3 LFM, le demandeur peut intenter un recours devant le Tribunal administratif du Québec (ci-après « TAQ »).

Ce recours doit être formé avant le 31e jour qui suit l’expiration du délai accordé pour conclure une entente avec l’évaluateur municipal (138.5 LFM). En cas de refus de procéder à une modification du rôle ou en cas d’absence de réponse de la part de l’évaluateur municipal, le recours doit être déposé au plus tard le 30e jour suivant le délai accordé à l’évaluateur pour répondre à la demande de révision.

Ce délai ne peut être contourné que dans un cas de force majeure (138.5 LFM).1

Dans le cadre de ce recours, le fardeau de la preuve appartiendra à la personne qui l’a intenté.

La décision du TAQ est appelable devant la Cour du Québec sur permission de celle-ci « lorsque la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour » (159 Loi sur la justice administrative), c’est-à-dire, une question sérieuse, d’intérêt public, nouvelle ou controversée.

Les délais de la Loi sur la fiscalité municipale et l’immuabilité des rôles d’évaluation

Les délais inscrits dans la LFM sont des délais de rigueur. Un demandeur peut demander d’être relevé du défaut d’avoir respecté ces délais s’il existe des motifs raisonnables pour les avoir dépassés. Le demandeur dans le cadre d’une révision du rôle d’évaluation doit faire preuve de diligence dans la préparation de son dossier et ne pas être négligent2.

Une fois les délais de révision ou d’appel expirés, le rôle d’évaluation foncière est considéré immuable, c’est-à-dire, qu’on ne peut le modifier a posteriori. L’immuabilité du rôle est d’ordre public; il assure un minimum de sécurité financière pour la municipalité et ses citoyens3.

Lorsque les délais de la LFM sont expirés, le rôle ne peut être révisé pendant les trois années concernées par le rôle d’évaluation foncière en vigueur à ce moment. Il faudra donc attendre l’entrée en vigueur du nouveau rôle triennal afin de demander une révision dans les délais prescrits.

Ce faisant, lorsqu’une personne morale ou physique acquiert un immeuble alors qu’elle se trouve à l’extérieur des délais pour demander une révision, même si elle est en désaccord avec l’évaluation foncière de son immeuble, elle devra attendre jusqu’à la fin de la période de trois ans avant de déposer une demande de révision en bonne et due forme.


1 Lepage c. Municipalité de Rivière-Bleue, 2017 CanLII (QC TAQ), paragr. 10 à 13.
2 Beaulieu c. Ville de Montréal, 2018 CanLII 54905 (QC TAQ), paragr. 17 et 19.
3 Ville de Montréal c. Diaco, 2018 QCCA 157, paragr. 46.