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Affaires commerciales, transactionnelles et fiscales

Le vrai capital d’une PME : ses relations

8 octobre 2025

Kwok, Jonathan

Article par :
Jonathan Kwok

Cet article de Dunton Rainville est paru originalement dans la section blogue du site web de Repreneuriat Québec

Quand on parle de transfert d’entreprise, l’attention se tourne spontanément vers les chiffres : états financiers, prix de vente, clauses contractuelles. Ces données sont cruciales, mais elles ne racontent pas toute l’histoire. La réussite d’un transfert repose aussi, et surtout, sur un actif invisible, mais déterminant : les relations humaines. Employés, clients, fournisseurs, partenaires, sans oublier le vendeur et l’acheteur : tous sont concernés, et chacun vit le changement à sa façon.

Un transfert peut sembler parfait sur papier, mais se heurter à la réalité. Si les relations sont négligées, la continuité se fragilise : des employés clés partent, des clients doutent, des partenaires se retirent. À l’inverse, un repreneur attentif au capital humain crée un terrain fertile pour une transition harmonieuse et une croissance durable.

Les employés et les clients : deux piliers à rassurer

L’annonce d’une vente s’accompagne presque toujours d’un vent d’incertitude pour les employés. Après des années de loyauté, la peur d’une réorganisation ou de pertes d’avantages refait surface. Certains songent même à partir avant la conclusion de la transaction. Or, la perte d’un employé clé (un directeur d’usine, un représentant vedette, un technicien expérimenté) peut ébranler toute la structure.

Les repreneurs qui réussissent le mieux investissent dès la phase de diligence raisonnable dans la relation avec leurs équipes. Avant même la conclusion de la vente, le repreneur devrait organiser des rencontres individuelles avec les employés clés, clarifier les intentions concernant leurs rôles et considérer des contrats bonifiés ou des programmes de reconnaissance. Du point de vue juridique, il importe aussi de vérifier les clauses de non-concurrence existantes et d’évaluer si des ententes de rétention sont nécessaires pour sécuriser le savoir-faire critique.

Les clients, eux aussi, observent attentivement. Ils veulent s’assurer que la qualité ne changera pas et que le nouveau propriétaire partage les mêmes valeurs. Dans certains secteurs (restauration, services professionnels, commerce de détail) la fidélité repose avant tout sur la confiance tissée avec le propriétaire sortant. Une lettre personnalisée, une rencontre ou un simple appel suffisent souvent à les rassurer. À l’ère numérique, certains repreneurs utilisent aussi les réseaux sociaux pour présenter leur vision, tout en respectant le ton établi. Attention toutefois : certains contrats comportent des clauses de changement de contrôle qui exigent l’approbation du client avant le transfert.

Bien communiquer : le vrai levier de confiance

Dans ces moments de changement, la façon et le moment de communiquer font toute la différence. Le vendeur doit préparer l’annonce, expliquer la démarche et présenter le repreneur comme un allié de confiance. L’acheteur, ensuite, prend le relais : rencontrer l’équipe, écouter, partager sa vision.

Trois moments clés de communication :

  1. Avant l’annonce : le vendeur prépare le terrain, identifie les parties prenantes sensibles et anticipe leurs préoccupations.
  2. L’annonce : présentation conjointe vendeur-acheteur, message cohérent et rassurant qui met l’accent sur la continuité.
  3. Les 90 premiers jours : l’acheteur écoute, observe et bâtit progressivement sa crédibilité auprès de toutes les parties prenantes.

Une poignée de main sincère ou un mot rassurant dans un corridor peuvent parfois avoir plus d’effet qu’un long discours. Ces gestes simples incarnent la confiance, valeur fondamentale de toute transition réussie. Sur le plan légal, assurez-vous que les clauses de confidentialité sont respectées durant cette période et que l’annonce publique ne se fait qu’au moment approprié.

Les fournisseurs et partenaires : sécuriser la chaîne de valeur

Au-delà des murs de l’entreprise, le transfert touche aussi les fournisseurs et partenaires, souvent discrets, mais essentiels. Ces acteurs se posent des questions concrètes : les paiements seront-ils faits à temps ? Les ententes seront-elles respectées ? La stabilité sera-t-elle au rendez-vous ?

Ignorer ces préoccupations, c’est prendre un risque. Un fournisseur inquiet peut resserrer ses conditions ou prioriser d’autres clients. Lors de la vérification diligente, examinez attentivement les contrats principaux : certains peuvent contenir des clauses de résiliation en cas de changement de contrôle. Un paiement rapide ou une rencontre organisée par le vendeur peut suffire à solidifier la confiance. De petits gestes qui assurent une grande stabilité.

Vendeur et acheteur : une relation d’équilibre

La relation entre le cédant et le repreneur est sans doute la plus délicate. Pour le vendeur, céder son entreprise n’est jamais une simple transaction : c’est le fruit d’une vie de travail, parfois même un héritage familial. « Laisser aller » demande du temps et de la bienveillance. Lui confier un rôle clair (conseiller, ambassadeur ou accompagnateur temporaire) facilite la transition pour toutes les parties.

Le repreneur, de son côté, doit résister à la tentation de tout transformer d’un coup. Revoir l’image de marque, renégocier les contrats, remodeler la culture interne : autant de réflexes naturels, mais risqués. Les experts en fusions et acquisitions s’entendent sur un point : l’intégration est la phase la plus sensible. Observer d’abord, comprendre ensuite, transformer graduellement : voilà la marque d’un leadership fondé sur le respect plutôt que sur la rupture.

Plus qu’une transaction : un héritage collectif

Au bout du compte, la réussite d’un transfert ne se mesure pas qu’en chiffres. Les états financiers fixent une valeur, mais les relations humaines assurent la continuité et ouvrent la voie à l’innovation. Prendre soin des employés, rassurer les clients, consolider les partenariats et bâtir une confiance solide entre vendeur et acheteur, c’est préparer non seulement le succès immédiat de la transaction, mais aussi l’avenir de l’entreprise.

Le repreneuriat au Québec : miser sur la proximité

Le repreneuriat au Québec, c’est avant tout une histoire de confiance et de proximité. Dans un tissu économique où abondent les PME familiales et régionales, le capital relationnel est souvent le moteur principal de la réussite. Miser sur ce capital dès le départ, c’est s’assurer que la prochaine génération d’entrepreneurs hérite non seulement d’une entreprise viable, mais aussi d’un réseau vivant et d’un savoir-faire collectif qui continueront de faire rayonner nos régions.