Article par :
Alexandre Fournier
Article rédigé conjointement avec Me François Guimont.
Dans le cadre d’une transaction immobilière, il est fréquent que l’acheteur requière une évaluation environnementale afin de déterminer si l’immeuble convoité est affecté par une contamination des sols. L’utilité d’une telle démarche est évidente, puisqu’elle vise à prévenir des pertes financières importantes et à protéger la valeur de l’investissement. Le coût de cette diligence préalable demeure minime au regard des conséquences financières et juridiques d’une contamination découverte après coup.

Qu’advient-il lorsque l’évaluation environnementale en question rassure erronément l’acheteur, de sorte qu’il procède à l’acquisition d’un immeuble contaminé, croyant cependant obtenir un immeuble exempt de toute contamination?
Une décision rendue récemment par la Cour supérieure illustre bien les enjeux découlant d’une telle situation1. Dans cette affaire, l’acquéreur d’un immeuble commercial s’était fié à une évaluation environnementale réalisée en 2001, laquelle concluait à l’absence de contamination. Or, une expertise subséquente, réalisée en 2019, a révélé une contamination des sols.
À l’issue du procès, le tribunal a conclu que la contamination existait déjà au moment de l’achat et qu’elle aurait dû être détectée lors de l’évaluation initiale réalisée en 2001. Conséquemment, la firme ayant réalisé l’étude a été condamnée à indemniser l’acheteur pour les coûts de décontamination, lesquels dépassaient largement le prix d’achat de l’immeuble.
Cette décision sert de rappel que l’évaluation environnementale doit être menée avec rigueur et conformément aux règles de l’art. Les experts ont l’obligation de considérer l’historique du site, de vérifier l’existence d’équipements enfouis ou désaffectés, et de cibler adéquatement les zones à investiguer. Une omission à cet égard pourra engendrer leur responsabilité professionnelle.
Le tribunal a également rappelé la gravité de la découverte de contamination pour le propriétaire d’un immeuble. Ainsi, tout en reconnaissant que la loi n’exigeait pas que le propriétaire procède immédiatement à la décontamination de l’immeuble, le tribunal a reconnu que la seule présence de contamination suffisait à diminuer la valeur marchande d’un immeuble et que cette perte de valeur peut constituer un préjudice indemnisable, et ce, indépendamment de l’usage actuel de la propriété.
Le tribunal a également reconnu que le montant des dommages-intérêts octroyés pouvait être supérieur au prix d’acquisition de la propriété. En effet, malgré que le propriétaire l’ait acquis sans garantie légale, suivant une prise en paiement par un créancier hypothécaire, pour une somme de 120 000 $, il s’est vu octroyer un paiement de plus de 300 000$ afin de pallier aux coûts de décontamination. Le tribunal est ainsi venu clarifier la jurisprudence antérieure, qui limitait les dommages pouvant être octroyés en fonction du prix payé pour acquérir l’immeuble2.
En somme, cette décision confirme la place centrale qu’occupent les évaluations environnementales dans les transactions immobilières et la responsabilité accrue qui incombe aux professionnels appelés à les réaliser. Elle rappelle aux acheteurs que, si ces démarches demeurent essentielles pour protéger leurs intérêts, elles comportent aussi un risque réel lorsqu’elles sont effectuées de manière déficiente. La rigueur et la diligence des experts constituent alors la meilleure garantie pour prévenir des conséquences financières et juridiques considérables.
Dans la décision rapportée, le tribunal a même reconnu le droit d’un acheteur ayant acquis un immeuble sans garantie légale, dans le cadre d’une prise en paiement, et qui s’est révélé contaminé, d’obtenir une indemnité excédant largement le prix d’achat payé, et ce, non pas de son vendeur, mais d’un tiers : la firme responsable de l’évaluation fautive. Il s’agit d’un résultat remarquable qui illustre l’importance, pour tout acquéreur, d’être bien conseillé et accompagné afin de faire valoir ses droits. Cette affaire démontre qu’une expertise juridique et stratégique peut non seulement limiter, mais parfois renverser les conséquences d’une mauvaise évaluation environnementale.
1) 9107-4138 Québec Inc. c. Les consultants en environnement Progestech Inc., 2025 QCCS 1720.
2) Vêtements Flip Design Inc. c. Traversy, 2022 QCCS 2986.