Skip to main content

Québec municipal

Occupation et entretien des bâtiments du domaine privé : prêts pour le virage obligatoire du 1er avril 2026 ?

3 décembre 2025

Corriveau, Émilie

Article par :
Émilie Corriveau

Au plus tard le 1er avril 2026, chaque municipalité devra se doter d’un règlement sur l’occupation et l’entretien des bâtiments[1]. Ce nouveau cadre vise à uniformiser l’encadrement de l’état des immeubles et transformera la manière d’intervenir lorsqu’un bâtiment se détériore.

Même si cette échéance peut sembler lointaine, les administrations municipales ont tout intérêt à amorcer rapidement leur réflexion afin de définir l’approche qu’elles souhaitent privilégier. Il devient donc essentiel de réfléchir sans tarder à ce que vous souhaitez inclure dans votre règlement et à la portée que vous désirez lui donner afin de mettre en place un outil cohérent et adapté à la réalité du territoire.

Soulignons que ce n’est pas parce qu’une municipalité intègre déjà certaines dispositions à ce propos dans son corpus règlementaire qu’elle répond convenablement au nouveau cadre applicable.

En effet, ce règlement doit obligatoirement contenir des normes destinées à empêcher le dépérissement des bâtiments, à les protéger contre les intempéries et à assurer l’intégrité de leur structure[2]. Ces normes permettent d’exiger des travaux correctifs, de transmettre des avis formels au propriétaire et, dans certains cas, de demander à la Cour supérieure l’autorisation d’exécuter les travaux aux frais de ce dernier. Une fois adopté, le règlement devient un levier central, autant pour cadrer les interventions administratives que pour appuyer les décisions requérant une base juridique solide.

La loi offre également une marge de manœuvre importante. La municipalité peut créer des catégories d’immeubles, établir des règles différentes selon les secteurs ou exclure certains bâtiments non patrimoniaux. Cette flexibilité nécessite une réflexion approfondie sur les enjeux propres à votre territoire. Visez-vous des secteurs vulnérables, des immeubles anciens, des zones où la dégradation est récurrente? L’architecture du règlement doit refléter vos priorités et vos choix stratégiques avant même la rédaction des premières dispositions.

Une fois adopté, ce règlement active plusieurs mécanismes essentiels. L’avis de détérioration, inscrit au registre foncier lorsque les travaux exigés ne sont pas réalisés, entraîne des obligations de notification, de publication et de suivi. L’avis de régularisation doit ensuite être inscrit dès que les travaux sont complétés. Dans certaines situations, la municipalité peut aussi acquérir l’immeuble, incluant par expropriation. L’utilisation de ces outils requiert une préparation interne solide, des procédures claires et une coordination serrée entre les services concernés.

Le règlement peut aussi prévoir des amendes pouvant atteindre 250 000 $, un plafond largement supérieur à ce qui est habituellement permis dans un règlement municipal. Cette possibilité tient compte d’une réalité simple: lorsqu’un immeuble représente une valeur importante, une amende trop faible n’incite pas réellement un propriétaire à réaliser des travaux coûteux. Il devient donc important de réfléchir dès maintenant à des fourchettes adaptées à votre réalité et aux caractéristiques de votre patrimoine bâti afin de maintenir un effet réellement dissuasif.

L’échéance du 1er avril 2026 impose ainsi bien plus qu’un simple geste de conformité. Elle appelle une réflexion de fond sur la rédaction du règlement lui-même, sur la portée que vous souhaitez lui donner, sur les normes que vous désirez imposer et sur les outils que vous prévoyez utiliser. En amorçant cette démarche dès maintenant, vous vous donnez la possibilité de concevoir un règlement cohérent, complet et adapté à votre réalité municipale. Un accompagnement spécialisé peut vous aider à structurer cette réflexion, à préciser vos choix et à produire un texte clair et opérationnel dès son entrée en vigueur.

 

[1] Cette obligation découle des modifications apportées à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme par la Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d’autres dispositions législatives (2021, c. 10; projet de loi no 69), adoptée le 25 mars 2021.

[2] art. 145.41 et ss de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (RLRQ, c. A-19.1).