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Droit du travail

Projet de loi 88 : l’arbitrage pour les pompiers et les policiers municipaux

20 mai 2025

Pelletier, Philippe

Article par :
Philippe Pelletier

Le 11 février 2025, le gouvernement du Québec a adopté le projet de loi nº 88 visant à modifier le mécanisme de résolution des différends dans la négociation de conventions collectives entre les municipalités et leurs policiers et pompiers. Cette réforme législative vise à répondre à une décision de la Cour d’appel du Québec, rendue le 29 août 2024, qui invalide le régime de négociation existant depuis 2016.[1]

La situation qui prévalait auparavant

Depuis l’adoption de la Loi 24 en 2016, lorsque les pompiers ou les policiers municipaux ne trouvaient pas d’entente au sujet de leur convention collective dans les 240 premiers jours de la phase de négociations, un médiateur était nommé par le ministre.

Ce médiateur bénéficiait alors de 60 jours pour tenter de concilier les parties et parvenir à une entente sur une nouvelle convention collective. S’il n’y arrivait pas, le ministre était alors chargé de créer un conseil de règlement des différends où le gouvernement nommait les trois membres.

Le conseil était alors chargé de rendre une décision sur les points pour lesquels les parties n’avaient pas trouvé d’accord. Cette décision finale devait être rendue dans les six mois suivant la mise sur pied du conseil et faisait office de convention collective pour cinq ans.

C’est en raison du processus de constitution du conseil lui-même que la Cour supérieure a prononcé l’invalidité de ce mécanisme de règlement des différends[2], une décision subséquemment confirmée en Cour d’appel.

La décision des tribunaux

Les tribunaux ont imposé au législateur de faire un changement dans le processus de négociation décrit ci-dessus, car les policiers et les pompiers n’ont pas le droit de faire la grève. Ainsi, puisqu’ils sont fort limités dans les moyens de pression qu’ils peuvent exercer, il faut prévoir un mécanisme juste, efficace, indépendant et impartial, lorsque les municipalités n’arrivent pas à s’entendre avec eux. La Cour d’appel a tenu à rappeler dans sa décision que le législateur doit « s’assurer de maintenir la confiance des parties dans le mécanisme de règlement des différends »[3]

Dans le système en vigueur depuis 2016, le gouvernement était seul à choisir les membres du conseil, ce qui, de l’avis des juges, pouvait constituer un risque de manque d’impartialité et d’indépendance, nuisible à la partie qui ne peut pas exercer de moyens de pression. Ce fonctionnement portait donc atteinte, de façon déraisonnable, au droit à la liberté d’association, prévu à l’article 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Nouveau régime mis en place

La solution retenue par le gouvernement a donc été celle de remplacer le conseil de règlement des différends par un système d’arbitrage. Ainsi, la médiation restera obligatoire après l’écoulement des 240 premiers jours de la phase de négociations, mais le dossier sera désormais remis à un arbitre par la suite, au lieu d’un conseil de règlement des différends.

Les associations représentatives des municipalités, des régies intermunicipales, des policiers et des pompiers du secteur municipal proposeront conjointement des noms d’arbitres au ministre du Travail qui constituera une liste. C’est à partir de cette liste que les parties devront choisir, ensemble, l’arbitre qui tranchera leurs différends relativement à la convention collective qui régira leurs relations de travail. À défaut de s’entendre sur l’identité d’un arbitre, le ministre pourra choisir directement dans cette liste.

Chaque partie aura également le droit de désigner un assesseur afin de la représenter et d’assister l’arbitre lors de l’audition et, au besoin, pendant le délibéré. La sentence arbitrale qui sera rendue sera finale et agira comme convention collective pour cinq ans.

De l’avis du ministre du Travail lors de l’étude du projet de loi, il s’agit d’un nouveau mécanisme « qui se veut indépendant, efficace et totalement équilibré, respectueux des décisions rendues par les tribunaux. »

On peut donc s’attendre, dans les prochaines années, à un changement dans les rapports de force entre les parties aux négociations dans le milieu municipal.

[1] Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Procureur général du Québec, 2024 QCCA 1106

[2] Fédération des policiers et policières municipaux du Québec c. Procureur général du Québec, 2021 QCCS 4105

[3] Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Procureur général du Québec, 2024 QCCA 1106, par.121