Skip to main content

Travail, emploi et immigration

Droit et liberté de la personne en contexte d'emploi

Quelles règles régissent le retour au travail en ces temps de pandémie?

Par : Corriveau, Émilie

21 septembre 2023

Conditions de travail et absences

Le retour en présentiel s’amorce chez plusieurs employeurs, mais certains employés ne désireront pas revenir sur les lieux de travail ou souhaiteront ardemment maintenir une forme de télétravail. Soulignons que les pouvoirs de l’employeur sont encadrés par le contrat de travail initial (écrit ou verbal) intervenu avec ses salariés, celui-ci établissant les règles régissant les parties. En effet, si celles-ci avaient convenu, avant la pandémie, que l’employé pouvait fournir sa prestation de travail à distance, l’employeur sera habituellement tenu de conserver cette condition, qui est intégrée au contrat. Cependant, dans le cas où le télétravail des employés ne fut que la résultante de l’obligation imposée à l’employeur par les règles sanitaires, l’employé ne dispose pas du droit de maintenir cette modalité. Cela signifie donc que l’employeur, en vertu du pouvoir de gestion qui est le sien, peut exiger de ses salariés qu’ils effectuent leur prestation de travail sur les lieux physiques de l’organisation et selon les mêmes modalités qu’avant l’arrivée de la pandémie. Le télétravail imposé par les mesures sanitaires n’est pas devenu un droit acquis.

Dans la même veine, une décision arbitrale impliquant le Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec reconnaissait récemment que tant que l’employeur respecte les mesures sanitaires en vigueur, il peut exiger de ses employés qu’ils se déplacent sur les lieux de travail1. Cela signifie, notamment, qu’il devra leur fournir tout matériel nécessaire à assurer un environnement de travail sain et sécuritaire comme le masque de qualité ou bien la barrière physique si la distanciation physique n’est pas possible.

On mentionnait également à cette décision arbitrale que la crainte de contracter la COVID-19 ne peut justifier un refus de travailler ou de réaliser la prestation de travail en présentiel2. Ainsi, la seule peur du virus ou le simple désir de demeurer en télétravail ne peuvent justifier le refus de l’employé d’opérer dans les locaux de son employeur. Une absence prolongée pourra alors être considérée comme un abandon d’emploi de la part du salarié.

En outre, les normes du travail restent applicables quant aux absences des employés relativement à la COVID-19. Par exemple, un employé peut s’absenter jusqu’à dix jours par année pour demeurer auprès de son enfant qui serait en isolement, dont deux jours rémunérés s’il possède au moins trois mois de service continu3. S’il contracte lui-même la COVID-19, il peut s’absenter du lieu de travail pour un maximum de 26 semaines dans l’année, sans salaire, deux journées pouvant lui être rémunérées s’il dispose de trois mois de service continu4. Notons que dans le cas d’employés syndiqués, il faut vérifier ce que prévoit la convention collective en ce qui concerne les modalités de prise de congés.

Il est important de s’informer auprès de l’employé afin de savoir à quel titre il utilise ses journées d’absence : vacances payées, maladie ou absence sans salaire. Cela permet de mettre adéquatement à jour sa banque de congés.

Règles relatives à la vaccination des employés

Qu’en est-il de la vaccination des employés? Dans certaines circonstances particulières devant être soumises aux tests des chartes des droits et libertés (notamment quant à l’objectif légitime, important, proportionnel et rationnel de la mesure)5, un employeur pourrait exiger la vaccination. Cette notion de vaccination obligatoire comme exigence professionnelle justifiée est très difficile à atteindre et ses cas d’application sont donc limités. Chaque milieu constitue un cas d’espèce; bien qu’on puisse supposer qu’il sera justifié d’obliger la vaccination d’employés travaillant directement avec des personnes vulnérables6, cela n’est pas nécessairement le cas de tous les employés municipaux.

En attendant que le gouvernement précise les règles à cet égard, si un employé refusait de se faire vacciner, l’employeur pourrait lui imposer d’exécuter son travail à distance, et ce, même si tous les employés vaccinés sont de retour au travail. La loi exige d’ailleurs aux employeurs de garantir un milieu de travail sain et d’assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique de leurs employés7.

Par ailleurs, l’employeur peut requérir une preuve de vaccination aux employés afin d’ajuster l’importance des mesures sanitaires qu’il désire imposer, entre autres. Cependant, l’employé est en droit de refuser de fournir cette preuve, son dossier médical étant confidentiel. L’employeur pourra ainsi considérer que l’employé n’a pas reçu le vaccin.

Il est à noter qu’en cas d’éclosion du virus dans le milieu de travail, tous les employés ayant été en contact avec la personne atteinte de la COVID-19 doivent être retirés du milieu, qu’ils aient été vaccinés ou non.

En définitive, plusieurs règles entourent le retour des employés sur les lieux de travail, dont certaines ne sont pas énumérées ici. Il est important de se rappeler que les règles habituelles en droit du travail sont toujours applicables, avec les adaptations nécessaires.

**Cet article a été rédigé en collaboration avec M. Félix Richer, stagiaire, Dunton Rainville


1 Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec c. Québec (Ville), 2020 CanLII 79699, par. 48 (QC SAT).
2 Id., par. 56.
3 Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, art. 79.7.
4 Id., art. 79.1 et 79.16.
5 Tests fondés sur la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 9.1 et sur la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.), art. 1).
6 Comme dans le cas de Syndicat des professionnelles en soins infirmiers et cardio-respiratoires de Rimouski (FIQ) c. CSSS Rimouski-Neigette, 2008 CanLII 19577 (QC SAT).
7 Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1, art. 51; Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 2087.