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Immobilier

Vente sans garantie légale et aux risques et périls de l’acheteur : quels sont vos recours?

27 octobre 2025

Groleau, Elizabeth

Article par :
Elizabeth Groleau

Implications d’une vente sans garantie légale de qualité sur le recours en vices cachés selon l’article 1726 du Code civil du Québec

Par le passé, les ventes d’immeubles entre un acheteur et un vendeur profane, donc qualifié de vendeur non professionnel, étaient souvent faites avec la garantie légale de qualité. Dans un tel cas, l’acheteur avait un recours contre son vendeur s’il découvrait la présence de vices cachés, et ce, compte tenu de l’application de l’article 1726 du Code civil du Québec (ci-après « CCQ »). À ces occasions, le recours de l’acheteur n’était pas limité contre son propre vendeur. Il avait le loisir de « remonter la chaîne » et d’exercer ses recours à l’encontre des vendeurs antérieurs aux siens. En effet, l’acheteur bénéficie d’un recours direct contre les vendeurs antérieurs qui auraient eux-mêmes vendu avec garantie légale de qualité. Ceci découle de l’article 1442 CCQ. Plus spécifiquement, l’article 1442 CCQ prévoit que les droits personnels acquis du vendeur sont transmis à son ayant en droit à titre particulier. Autrement dit, le vendeur qui vend avec garantie légale donne des garanties, mais il transmet également à l’acheteur les garanties qu’il a lui-même reçu des vendeurs antérieurs.

Mais qu’en est-il si la vente a été faite sans garantie légale de qualité et aux risques et périls de l’acheteur, comme c’est de plus le cas depuis quelques années et comme c’est régulièrement le cas à l’occasion de ventes faites par des successions ? Est-ce qu’un acheteur pourrait prétendre avoir un recours contre les auteurs de son vendeur? Autrement dit, bien que l’acheteur n’ait pas reçu de garantie de son propre vendeur, pourrait-il prétende avoir reçu les garanties antérieures des auteurs du vendeur et ainsi remonter la « chaîne » et instituer un recours contre les vendeurs antérieurs qui auraient vendu avec garantie légale?

Dans l’affaire Blais[1], la Cour d’appel a répondu à la négative. La Cour mentionne que : « En somme, le vendeur profane d’un bien immeuble poursuivi pour vices cachés qui a acheté « à ses risques et périls » ne pourra espérer obtenir le secours des auteurs profanes de son vendeur même si ces derniers ont vendu l’immeuble avec les garanties légales ». Dans l’affaire Tremblay[2], la Cour d’appel en vient à la même conclusion dans le cas où la vente est faite sans garantie légale de qualité. Cette dernière réitère qu’un acheteur qui achète sans garantie de qualité renonce à invoquer la garantie que son vendeur aurait pu lui fournir. En effet, la vente sans garantie légale de qualité vient rompre la « chaîne » de garantie.

Distinctions entre une vente « sans garantie légale de qualité » et une vente « aux risques et périls de l’acheteur » : impacts sur le recours pour vice de consentement par dol

Même si le recours sous l’article 1726 CCQ en lien avec la garantie de qualité n’est plus disponible vu notamment ce qui précède, dans certaines circonstances, il est possible d’instituer un recours en vice de consentement par dol contre son vendeur selon l’article 1401 C.c.Q. à la suite de la découverte de vices cachés. L’article 1401 se lit comme suit :

L’erreur d’une partie, provoquée par le dol de l’autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.

Le dol peut résulter du silence ou d’une réticence.

Il importe de distinguer une vente « sans garantie légale de qualité » et une vente « aux risques et périls de l’acheteur ». En effet, en présence d’une vente « aux risques et périls », un vendeur non professionnel se retrouve libéré (exonéré) de sa responsabilité, même s’il connaissait le vice ou ne pouvait l’ignorer et qu’il ne l’a pas dénoncé au préalable. Ceci est permis par l’article 1733 C.c.Q.

Toujours dans l’affaire Tremblay, la Cour d’appel indique que le silence du vendeur ne pourra constituer un dol permettant l’introduction d’un recours s’il y a eu une vente « aux risques et périls de l’acheteur ». Cependant, il en est autrement pour le mensonge, les manœuvres dolosives et la réticence (demi vérités). Dans de tels cas, l’acheteur pourrait avoir un recours fondé sur le dol justifiant une réparation du préjudice qui en découle, le tout dans la mesure où les autres conditions d’un tel recours sont par ailleurs rencontrées.

Conclusions

En bref, si vous achetez un immeuble d’un vendeur non professionnel « sans garantie légale de qualité » ou « sans garantie légale de qualité et aux risques et périls de l’acheteur » et que vous découvrez la présence de vices cachés, vous n’aurez aucun recours en vertu de l’article 1726 CCQ, et ce, contre l’ensemble des vendeurs antérieurs. Ces exclusions de garanties ne vous font cependant pas perdre vos recours en cas de vice de consentement pour dol, toutefois si la vente a été faite « aux risques et périls de l’acheteur », le silence ne pourra être constitutif de dol.

[1] Blais c. Laforce, 2022 QCCA 858

[2] Tremblay c. Immeubles Perron ltée, 2024 QCCA 719