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Protection des zones inondables : le rôle grandissant des municipalités

Par : Vallée-Girard , Maxime

6 novembre 2023

Par Me Maxime Vallée-Girard, en collaboration avec Marie-Ève Boudreault, stagiaire en droit

Il ne date pas d’hier qu’un règlement provincial adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (la « LQE »)[1] a préséance sur tout règlement municipal ayant le même objet, sauf approbation du ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs[2].

Dans les deux dernières années, quelques règlements provinciaux sont cependant venus alléger cette règle en écartant son application relativement à certains sujets, se rapportant majoritairement à la protection des milieux humides. Plus récemment, soit depuis le 6 juillet 2023, de nouvelles exceptions sont entrées en vigueur, donnant ainsi davantage d’autonomie aux municipalités[3].

Dans le cadre de cette chronique, nous vous offrons un survol des différentes exceptions prévues dans la règlementation provinciale et des impacts sur les pouvoirs de réglementer des municipalités.

Le régime de l’article 118.3.3. LQE

Comme la Cour d’appel l’a confirmé récemment dans la décision Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac c. Séguin[4], l’article 118.3.3. LQE, dans sa version actuelle, permet uniquement à une municipalité d’adopter un règlement visant la mise en œuvre des dispositions d’un règlement provincial. Ainsi, une municipalité ne peut établir de normes qui seraient différentes ou plus contraignantes que le règlement provincial sur le même sujet [5].

Les exceptions

À la suite des inondations printanières sans précédent qui ont touché le Québec en 2017 et en 2019, le gouvernement du Québec a décidé de mettre en place un nouveau régime de protection du territoire[6]. Afin d’assurer la protection des zones inondables pendant l’implantation du nouveau régime, le gouvernement a adopté un règlement transitoire, soit le Règlement modifiant le Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations[7] (le « Règlement transitoire »), offrant aux municipalités des pouvoirs plus importants dans la protection des zones inondables.

Le Règlement transitoire prévoit, à son article 117, que l’article 118.3.3. LQE ne s’applique pas aux questions touchant le libre écoulement de l’eau[8], la gestion de la végétation dans la rive, l’aménagement de sentier ou d’escalier permettant l’accès à l’eau, et la distance d’une bande d’un lac, d’un cours d’eau, d’un milieu humide ou d’un fossé[9]. Depuis le 6 juillet 2023, d’autres exceptions importantes sont en vigueur. Celles-ci visent la gestion des quais[10], les mesures de contrôle à implanter lors de la résiliation de travaux pour limiter l’érosion et les sédiments[11] et la gestion des travaux de stabilisation d’un talus[12].

Ainsi, l’autorisation du ministre n’est pas requise par la municipalité lorsqu’elle désire adopter des règlements sur ces sujets, même s’ils sont déjà encadrés par un règlement provincial. Toutefois, il importe de garder en tête que la réglementation de ces nouvelles questions demeure sujette aux limites prescrites par l’article 2.1 du Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement et l’article 3.1 du Règlement sur les activités dans des milieux humides, hydriques et sensibles, en vigueur depuis 2022.

En somme, le régime transitoire élaboré par le gouvernement du Québec, en attendant le nouveau cadre réglementaire, permet aux municipalités de contribuer plus activement à la protection des zones inondables. Or, le gouvernement prévoit que la mise en œuvre du cadre réglementaire et de toutes les dispositions pertinentes s’échelonnera jusqu’en 2025[13]. Il faudra donc patienter encore quelques années afin de connaître l’étendue du rôle conféré aux municipalités dans l’encadrement de cette problématique.

Communiquez avec nous pour plus d’informations !

[1] RLRQ, chapitre Q-2.

[2] LQE, article 118.3.3 (anciennement l’article 124 LQE).

[3] Pour consulter les nouvelles dispositions du Règlement transitoire, nous vous invitons à consulter la version administrative disponible en cliquant sur le lien suivant : https://www.environnement.gouv.qc.ca/ministere/projet-omnibus-2023/index.htm.

[4] 2023 QCCA 950.

[5] Id., para. 35 à 38.

[6]https://www.quebec.ca/gouvernement/politiques-orientations/plan-de-protection-du-territoire-face-aux-inondations/gestion-rives-littoral-zones-inondables.

[7] RLRQ, chapitre Q-2, r. 32.2.

[8] À l’exception des ponceaux visés aux articles 6 et 7 du Règlement transitoire (art. 117 al. 1 (1) Règlement transitoire).

[9] Dans laquelle il est interdit d’épandre des matières fertilisantes en vertu de l’article 30 du Règlement sur les exploitations agricoles (RLRQ, chapitre Q-2, r. 26), tel que modifié par l’article 87 du Règlement transitoire (art. 117 al. 1 (4) du Règlement transitoire).

[10] Notamment le nombre permis par lot, les matériaux acceptés ainsi que les cas interdits et ceux pour lesquels une autorisation municipale préalable est requise (art. 117 al. 1 (5) du Règlement transitoire).

[11] Art. 117 al.1 (6) du Règlement transitoire.

[12] Notamment les techniques à utiliser et les conditions à respecter (art. 117 al. 1 (7) Règlement transitoire).

[13] Voir note 6, ci-haut.